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INTERPRETATIONS

 

Parmi les centaines de noms de dieux et déesses découverts en Europe certains sont dits topiques c'est-à-dire associés à un fleuve, une forêt ou une montagne précise. D'autres constituent plus des qualificatifs que des noms à proprement parler si bien que plusieurs théonymes peuvent faire référence à un seul et même dieu. Les recherches avancent mais il est probable que nous n'aurons jamais toutes les pièces du puzzle. Le Belge Claude Sterckx (1944-auj.) est un des celtologues qui a bien étudié et comparé toutes les sources ci-dessus. Paul-Marie Duval (1913-1997) donne des interprétations assez proches. Cependant je pense qu'on peut encore affiner ces analyses.

La mythologie irlandaise et galloise sont très différentes, seuls quelques noms de divinités se ressemblent, les histoires ne sont pas du tout les mêmes. Les commentaires des auteurs gréco-romains et les représentations gallo-romaines sont aussi très éloignés des textes insulaires.

Difficultés augmentées par le fait que les divinités pouvaient varier d'une région à l'autre et surtout qu'elles ont évolué au fil des siècles surtout après la conquête romaine ; le druidisme a vécut pendant environ 1.500 ans, n'importe quelle religion évolue radicalement sur une si longue période.

Je pense que deux grandes interprétations se distinguent : l'une défendue par Daniel Gricourt, Dominique Hollard, Jean-Jacques Hatt et Jean-Paul Savignac faisant de Lug (ou Esus) et Cernunnos deux jumeaux oppposés, le premier régnant sur la saison claire (mai-octobre) et l'autre sur la saison sombre (novembre-avril). L'autre est défendue par Gérard Poitrenaud, Thierry Jolif et moi-même faisant un seul et même dieu Bélénos-Lug-Cernunnos.

Plus précicément je pense qu'on peut regrouper toutes ces divinités en une dizaine d'entités : un dieu principal s'adressant à toutes les classes sociales et âges de la vie, une déesse principale elle aussi triple et universelle, un dieu (avec une parèdre) plus précisément destiné aux druides, un autre pour le roi et ses guerriers, un pour les forgerons, éventuellement une déesse pour ceux qui s'occupent des chevaux, éventuellement un dieu pour les métiers nécessitant de l'éloquence (politiciens, chefs militaires, commerçants...), une déesse-mère et des déesses topiques associées à des rivières ou des massifs forestiers. 

 

Le dieu principal, polytechnicien et triple :

Il est possible que ce dieu avait plusieurs facettes et plusieurs noms, c'est ce que nous allons essayer de démontrer. Dans la Bible Dieu a plusieurs noms (Yahvé, l'Eternel, le Tout-Puissant…) et dans l'Islam Allah en a 99, ce pouvait aussi être le cas pour le dieu principal des Celtes.

LUGOS

Le nom Lugos (Lug) pourrait signifier « le Lumineux » mais d'autres hypothèses sont avancées : le petit, le noir, le lieur… Peut-être que le mot celte lug permettait un certains nombre de jeux de mots ce qui renforcerait le côté multiple de ce dieu.

Selon César (La Guerre des Gaules) le dieu principal des Gaulois est l'équivalent du Mercure romain, il le considère comme un dieu polyvalent, protecteur des commerçants et des voyageurs : « Le dieu qu'ils honorent le plus est Mercure : ses statues sont les plus nombreuses, ils le considèrent comme l'inventeur de tous les arts [techniques], il est pour eux le dieu qui indique la route à suivre, qui guide le voyageur, il est celui qui est le plus capable de faire gagner de l'argent et de protéger le commerce ». Dans la littérature mythologique irlandaise, c'est Lugh qui correspond le plus à cette définition. C'était le dieu principal de l'île d'émeraude, il est dit polytechnicien, « samildánach », à la fois menuisier, harpiste, poète, guérisseur, guerrier comme quand il veut entrer au banquet de Tara, capitale royale de l'île (Seconde Bataille de la Plaine des Piliers). Ce qui correspond bien à la définition de César « inventeur de tous les arts ».

Fils de Cian (lui-même fils du dieu Diancecht, dieu-médecin des Tuatha dé Danann) et de Eithne (fille du Fomoire borgne Balor), il devient roi d'Irlande à la suite du dieu Nuada. Selon le livre Baile in Scáil (la Vision du Fantôme), il est « fils d'Eithliu fils de Tigernmas ».

Pour les Romains, l'équivalent de Mercure était le dieu Odin (Wodan), ces deux divinités sont d'ailleurs associées au mercredi en anglais et en français notamment. Odin a aussi plusieurs points communs avec Lug : les corbeaux, une lance magique, le sommet de leur panthéon…

Dans la mythologie galloise, notamment dans la quatrième branche du Mabinogi (Math, fils de Mathonwy), Lug est appelé Lleu. C'est le fils de la déesse Arianrhod, fille de Dôn, qui le surnomma Llaw Gyffes (« à la main adroite ») assez proche d'un autre de ses surnoms irlandais : Lamfada (« au long bras »).

Même si Lugos est censé être le dieu principal des Gaulois, il existe paradoxalement peu de mentions de son nom ou de représentations de lui. Cela pourrait s'expliquer en grande partie par le fait qu'il ait été assimilé au dieu Mercure par les Romains. Ces derniers voulaient peut-être aussi faire disparaître des mémoires ce dieu puissant. Les rares qui nous soient parvenues le montrent souvent « multiple ». On a par exemple LUGOVES et LUGOVIBVS, « les Lug », respectivement à Avenches en Suisse et El Burgo de Osma en Espagne. Il y a aussi des représentations tricéphales (à trois têtes) qui lui sont attribuées, comme celles retrouvées à Reims (51) ou à Paris (75).

 

CERNUNNOS

L'autre dieu gaulois tricéphale que l'on connait c'est Cernunnos, « le Cornu ». On a retrouvé une de ses représentations avec son nom au-dessus, […]ERNVNNOS précisément, sous la cathédrale Notre-Dame de Paris (75) en 1711. Cette œuvre fait partie du pilier des Nautes, exposé au Musée de Cluny à Paris.

Il existe de nombreuses autres représentations de Cernunnos. La plus célèbre est celle du Bassin de Gundestrup découvert au Danemark en 1891.

Il est souvent figuré en tailleur (position « bouddhique »), avec un torque (gros collier celte réservé à l'élite) au cou ou dans la main, généralement barbu et bien sûr avec des cornes ou plus souvent des bois de cerfs. L'autre animal qui l'accompagne le plus souvent est le serpent. Remarquons que ces deux animaux subissent des transformations régulières : les cerfs perdent leurs bois chaque année et les serpents muent, ce qui pourrait être un marqueur de saison ou de la vie et de la mort. De même les serpents gobent des œufs ce qui peut être interpréter comme s'il avalait la vie et renaissait ???

Ce serpent possède parfois une tête de bélier, il est difficile de dire précisément pourquoi. On admet généralement que le bélier est un symbole masculin, tandis que le serpent est plutôt associé à la terre (chtonien) et à la mort ou à la guérison.

Il existe beaucoup de statues de Cernunnos mais souvent les cornes ou la tête sont cassées ou absentes.

Cernunnos et Lug-Mercure sont représentés ensemble sur le gobelet de Lyon. Cernunnos a priori allongé avec un torque et un cerf, Lug assis semblant tenir des comptes, bourses. Corbeau.

Tout comme Lug, Cernunnos est parfois représenté de manière tricéphale comme sur l'autel des Bolards (Nuits-Saint-Georges, 21) ou sur le buste de Condat-sur-Trincou (24), les cornes sur ce deuxième sont manquantes mais il y a des trous pour les mettre

Lug-Mercure possède parfois les mêmes attributions que Cernunnos telles que la pose en tailleur comme sur le Mercure de Pouy-de-Touges (31, exposé au Musée Saint-Raymond à Toulouse) reconnaissable à son chapeau à ailerons appelé pétase (qui rappelle aussi deux petites cornes) ou les serpents à tête de bélier comme sur l'autel découvert à Marissel, aujourd'hui Beauvais (60) (« MERCVRIO »).


crédits : ???? et researchgate.net

Il pourrait être le Dis Pater (Pluton, dieu des enfers) évoqué par César dans la Guerre des Gaules (celui dont tous les Gaulois disent descendre).

Cernunnos a été parfois reconnu dans la mythologie irlandaise dans le Fomoire Balor, grand-père borgne de Lugh (Seconde Bataille de la Plaine des Piliers). Dans les textes gallois, c'est le géant Yspaddaden Penkawr qui pourrait lui ressembler un peu (Kulhwch et Olwen) ou encore l'Homme noir dans Owein . Dans Kulhwch et Olwen , le cerf est associé à la vieillesse : « Cerf de Redynvre [Colline de la Fougère], nous voici venus vers toi, nous messagers d'Arthur, parce que nous ne connaissons pas d'animal plus vieux que toi. »

 

BELENOS

Un autre dieu semble avoir des similitudes avec Lug, c'est Bélénos, dont le nom signifie « le Brillant » ce qui assez proche de « Lumineux ». Des sources lui étaient consacrés, notamment à Beaune (21).

On pense généralement que Bélénos a été assimilé à Apollon par les Romains, il serait un dieu guérisseur. César dit que l'Apollon gaulois « guérit les maladies ».

Dans la mythologie galloise, le nom Bélénos est peut-être à rapprocher de Beli Mawr, cependant ce dernier est le père de plusieurs d'autres divinités galloises alors que le Bélénos gaulois représente plutôt le fils.

Abellio est l'un des principaux dieux du Pays basque, son nom ressemble à une contraction entre Apollon et Bélénos, il pourrait avoir la même origine que ces deux divinités. Son nom pourrait aussi signifier le pommier (ou la pomme) et avoir une racine commune avec Avalon, le lieu de repos du roi Arthur.

Dans le panthéon germano-nordique, le dieu le plus proche de Bélénos est Balder (Baldr, fils d'Odin), dieu de la jeunesse, de la beauté et de la lumière.

 

BORVOS, GRANNOS, MAPONOS

Mais d'autres dieux gaulois sont aussi associés à Apollon, quasiment toujours dans des villes où il y avait des temples ou des sources liées à la guérison. Ce pourrait être d'autres surnoms de Bélénos. Le plus répandu est Borvos (Bormos, Bormanos…), qui a donné a donné son nom à toutes les villes avec « Bourbon » dedans : Bourbon-l'Archambault (03), Bourbon-Lancy (Aquis Bormonis, 71), Bourbonne-les-Bains (52), Barbotan-les-Thermes (32) ou La Bourboule (63). Ces cinq villes possèdent encore actuellement des sources thermales curatives. La ville de Bormes-les-Mimosas (83) tirerait peut-être aussi son nom de Bormos.

La ville de Grand (88) était aussi un sanctuaire de guérison. Elle est appelée Andesina sur la Table de Peutinger et était dédiée au dieu Apollon-Grannos.

Enfin Maponos est aussi associé à Apollon, ce pourrait être une dernière appellation de Bélénos. On peut rapprocher ce nom du dieu Mabon gallois, fils de la déesse Modron (cf. Kulhwch et Olwen), ou du Mac Og (Mac Oc, Aengus, Oengus) irlandais, fils adultère du Dagda et de Boann (cf. La Courtise d'Etain).

 

Si Maponos-Bélénos est une figuration du fils et qu'Apollon représente traditionnellement la jeunesse et la beauté, Bélénos pourrait donc être Lug version jeune, beau et en bonne santé. Ainsi ce dieu principal pourrait représenter les trois âges de la vie : jeunesse, âge adulte et vieillesse. Bélénos-Apollon serait sa version jeune, Lug-Mercure l'âge adulte et Cernunnos la vieillesse. Les hommes celtes de n'importe quel âge pouvaient donc s'identifier à lui. De même les hommes de n'importe quel statut pourrait se reconnaître en lui car il représente les trois classes : prêtres (côté guérisseur de Béléons), guerriers (côté combattant de Lug), commerçants-artisans-agriculteurs (aspect commerce avec Lug ou nature avec Cernunnos)... Le chiffre 3 est sans doute le chiffre le plus important des Celtes, cf. le triskèle ou le trèfle des Irlandais. La triplicité de ce dieu est aussi avancée par Gérard Poitrenaud, auteur du livre Dans les Cercles de Cernunnos (2017).

Ceci semble se confirmer avec l'autel de Reims (51) où sont représenté Apollon (nu avec sa lyre), Cernunnos (en tailleur, cornu, avec un cerf et un taureau en-dessous de lui) et Mercure (avec son caducée).

L'autel de Beaune (21) est plus difficile à interpréter mais il pourrait bien représenter la même scène : Bélénos à gauche avec son chien (animal plutôt associé au dieu Sucellos mais aussi à Cúchulainn, fils de Lug dans la mythologie irlandaise, cf. La Razzia des Vaches de Cooley, chapitre VII), Lug tricéphale au milieu et Cernunnos cornu à droite (même s'il ressemble beaucoup au dieu grec Pan).

Les trois plus célèbres fêtes celtiques pourraient être la représentation de la vie de ce dieu : Beltaine (« les Feux de Bel[énos] »), vers le 1er mai et début de la saison claire, évoque Bélénos jeune, la naissance de la nature au printemps… Puis Lugnasad (« l'Assemblée de Lug »), vers le 1er août, serait le summum de l'année et du Soleil, l'âge adulte. Enfin Samain (« la Fin de l'Eté »), vers le 1er novembre et début de la saison sombre, incarnerait la vieillesse et la mort, ce qui ressemble pas mal à Cernunnos et ses bois de cerf ou ses serpents qui symbolisent la mue, la mort, la renaissance… La quatrième fête celte, Imbolc (« la Lustration ») vers le 1er février, est plutôt une fête liée aux déesses, notamment Brigit (reprise par la sainte Brigitte, cf. plus bas) et pourrait correspondre à la période de la maternité. Le cycle végétal peut aussi s'interpréter dans ces quatre fêtes : éclosion, croissance, mort, graine.

 

NEMAUSOS

Dieu gardien d'une source d'eau au cœur de la ville de Nîmes (30), c'était peut-être un autre nom pour Bélénos même si les Romain l'ont associé à Jupiter.

 

ESUS

Lug possédait peut-être encore d'autres noms ou qualificatifs. Esus pourrait être un de ceux-là. Ce nom est mentionné dans la Pharsale de Lucain (Ier siècle), en compagnie de Taranis et Toutatis : « et vous peuples, qui répandez le sang humain sur les autels de Teutatès, de Taranis, et d'Hésus ». Il y a aussi Lactance dans Institutions Divines (IVème siècle) : « et les anciens Gaulois apaisaient avec du sang leurs dieux Hésus et Teutatès. »

Esus signifierait le « le Bon Maître ».On le trouve sur le Pilier des Nautes de Paris (75) datant du début du Ier siècle (« ESVS »). Il y a à côté d'Esus taillant des branches, un taureau avec trois oiseaux sur son dos : le Taureau aux Trois Grues (« TARVOS TRIGARANVS ») dont les interprétations divergent. Le texte irlandais qui se rapproche le plus de cette scène pourrait être la Razzia des Vaches de Cooley  : à trois moments distincts, Cúchulainn, fils de Lug, coupe le tronc et les branches d'un chêne. Il y a ensuite le taureau, le Brun de Cooley, élément essentiel de l'histoire pour lequel quatre des cinq régions irlandaises décident de s'unir. Enfin, il y a Morrigan (que l'on peut traduire notamment par la « grande Reine » ou « née de la mer ») qui peut se changer en oiseau et qui a trois sœurs ou avatars : Bodb, Macha et Nemain (ou Anand selon les versions). Morrigan est la déesse de la guerre, l'animal qui la représente est le corbeau, car c'est un charognard qui vient après les batailles emmener l'âme des guerriers. Cependant des divergences existent, déjà dans La Razzia des Vaches de Cooley il ne s'agit pas d'Esus mais de Cúchulainn, même si Esus est parfois considéré comme un autre nom de Lug. Ensuite, les feuilles de l'arbre coupé par Esus sur le pilier des Nautes ne ressemblent pas spécialement à celles d'un chêne. Enfin, Morrigan n'est généralement pas représentée par une grue mais plus souvent par un corbeau ou une corneille.

Un bas-relief antique exposé à Trèves (Allemagne) représente une scène assez similaire à ces deux faces du pilier parisien : on y voit un homme en train de couper un arbre (peut-être un saule) dans lequel se trouvent trois grands oiseaux et une tête de taureau. Ce personnage a donc de forte chance d'être Esus. Or, juste à côté de lui, il y a une représentation du dieu Mercure (« MERCVRIO ») et vraisemblablement de la déesse Rosmerta. On a donc ici un premier faisceau d'indices permettant de rassembler Esus et Lug-Mercure.


crédits : nat.museum-digital.de

La statue de Mercure découverte à Lezoux (63, exposée au Musée d'Archéologie Nationale de Saint-Germain-en-Laye, 78) comporte sur sa face avant le mot « MERCVRIO » et sur la face arrière probablement « ESV[S] », ce qui encore une fois pourrait montrer le lien entre ces deux divinités.


crédits : Jean Schormans, RMN-Grand Palais

Plus explicite encore, dans les scholies bernoises , des commentaires sur les textes de Lucain écrits au IXème ou Xème siècle et conservés à Berne (Suisse), il est d'abord dit qu'Esus correspond à Mars puis à Mercure : « Hésus-Mars est apaisé ainsi : un homme est suspendu à un arbre jusqu'à ce que, par suite de l'effusion de son sang, il ait laissé aller ses membres. […] Ils tiennent Hésus pour Mercure, s'il est vrai qu'il reçoit un culte des marchands […]. » Le fait qu'il soit considéré comme le dieu des marchands va dans le sens de César qui dit que Mercure-Lug permet de gagner de l'argent et protège le commerce comme on vient de le voir.

Attardons-nous à présent sur la première partie des scholies bernoises , celle qui détaille la manière dont les Gaulois sacrifiaient des hommes à Esus. Il est dit que l'on suspendait la victime à un arbre, on faisait couler son sang et apparemment, car les traductions latines ne sont pas si évidentes, on le laissait sur place jusqu'à ce que le corps tombe tout seul.

Déjà on retrouve l'arbre, comme avec le Taureau aux Trois Grues vu ci-dessus, mais ceci n'est peut-être qu'anecdotique.

Retournons un peu vers les textes celtes gallois, précisément dans la quatrième branche du Mabinogi : Math, fils de Mathonwy. Lleu (Lug) est marié à Blodeuwedd (« Visage de Fleurs »), mais celle-ci a un amant, Gronw Pefr, qui fabrique une lance spéciale pour le tuer. Ainsi Gronw Pefr le transperse au flanc, Lleu meurt et s'incarne en aigle. Il demeure en haut d'un chêne d'où il se décompose. Il faudra l'intervention de Gwydyon, le dieu-druide, pour lui redonner une forme humaine et donc le ressusciter.

Etudions aussi les textes de la mythologie germano-nordique. Odin possèdent de nombreuses similarités avec Lug-Mercure : ce sont les dieux principaux de leur panthéon respectif, ils sont équipés d'une lance, accompagnés de corbeaux, associés au mercredi en français et en anglais notamment… D'après le Hávamál (« Les Dits du Très Haut »), l'un des poèmes de l'Edda poétique, Odin a été suspendu à un arbre pendant neuf nuits, percé par une lance. Ces deux convergences (le Mabinogi et les Dits du Très Haut) sont proposées par Bernard Sergent .

Pour aller encore plus loin, faut-il voir là une équivalence avec Jésus. Déjà entre Jésus et Esus, il y a une quasi homonymie. Le Christ aussi a été suspendu (à la croix), lui aussi a été percé au flanc par une lance (celle du soldat Longin, devenue la Sainte Lance) et lui aussi a été ressuscité.

Dans la mythologie galloise (Math, fils de Mathonwy), Lleu (Lug), tout comme Jésus, est le fils d'une vierge. Il s'agit d'Arianrhod, la fille de Don (Dana, la principale déesse-mère du Pays de Galles ; par ailleurs Dana se rapproche d'Anne/Anna la mère de sainte Marie). Il semblerait qu'elle fut mise enceinte par la « baguette enchantée » du roi Math ??????? et accoucha instantanément de jumeaux, Dylan et Lleu. Le premier fut tué par son oncle Govannon (le forgeron) tandis que le deuxième fut caché et élevé par un autre oncle, Gwydyon.

Peut-être ces mythes ont contribué à faciliter le passage entre les croyances celtes/gallo-romaines et la religion chrétienne.

Jean-Jacques Hatt (1913-1997) considérait qu'Esus et Cernunnos ne formaient qu'un seul et même dieu, le premier plus propre à la saison claire (mai à octobre) et le deuxième à la saison sombre (novembre-avril). Par contre pour Claude Sterckx (1944-aujourd'hui), Esus serait plutôt un équivalent de Taranis-Jupiter.

 

SMERTRIOS

Smertrios est le troisième dieu gaulois mentionné sur le pilier des Nautes (« SMERT[…] »). Il y est peut-être représenté en train de se battre contre un serpent. Les trois dieux gaulois représentés sur le pilier parisien (Smertrios, Esus et Cernunnos) seraient donc peut-être trois versions de Lug.

Nous n'avons pas beaucoup d'informations sur ce dieu, son nom signifierait « le Pourvoyeur ». Pour Henri d'Arbois de Jubainville (1827-1910) il ne faisait qu'un avec Lug ????.

 

Lug pourrait être né plusieurs fois ????

Si Bélénos (Borvos, Grannos, Maponos...) et Bélisama (que nous verrons après) représentent la jeunesse, il pourrait y avoir une cohérence symbolique à ce qu'ils soient associés aux sources car ces deernières sont la « naissance » d'une rivière.

 

La déesse principale polytechnicienne et triple :

Il est probable qu'il y avait aussi une déesse triple chez les Celtes, cependant en l'état actuel de nos connaissances il est difficile d'avoir des certitudes. Le dieu triple ci-dessus n'est qu'une interprétation de ma part, basée sur les travaux d'autres historiens et celtologues. L'existence d'une déesse triple est encore plus incertaine même s'il y a là aussi un faisceau d'indice qui va dans ce sens.

Cette déesse était sans doute associée au dieu Bélénos-Lugos-Cernunnos. Ces trois entités étaient souvent représentées en compagnie d'une parèdre : Bélénos-Apollon était parfois accompagné de Sirona (déesse de la guérison), Lug-Mercure était représenté avec Rosmerta (la Pourvoyeuse), et Cernunnos était généralement en compagnie d'une déesse non identifiée mais qui possède une corne d'abondance.

Des déesses celtes sont souvent figurées par trois, sans doute pour montrer les trois âges de la vie (jeunesse, âge adulte, vieillesse), appelées « MATRONES ». Pourtant cet aspect des trois âges est difficile à démontrer en regardant attentivement les représentations.

Selon César, la Minerve gauloise « enseigne les principes des travaux manuels ». C'est la seule déesse mentionnée par le général romain, ce serait donc l'une des plus importantes. Deux déesses celtes ont été associées à Minerve sur des dédicaces : Bélisama en Gaule et Sulis en Grande-Bretagne. Celles-ci semblent cependant plutôt associées à la médecine, particulièrement Sulis que l'on trouvait dans les bains thermaux de Grande-Bretagne. Brigit, avec son aspect forgeron, correspond plus à la définition de César.

 

BRIGANTIA (BRIGIT)

Ce nom signifierait « la Très Haute » qualificatif assez commun pour une déesse. On la retrouve dans plusieurs régions celtes telles que la Gaule, la Grande-Bretagne ou l'Irlande.

Brigit (Brígh) est la fille du Dagda selon le Glossaire de Cormac, ainsi que l'épouse du Fomoire Bres et la mère de Ruadán selon le livre irlandais de la Seconde Bataille de la Plaine des Piliers. Son fils sera tué d'une lance par Goibniu le dieu-forgeron, elle en sera terriblement attristée. Elle peut éventuellement être rapprochée de la déesse galloise Arianrhod dont le fils, Dylan, a été assassiné par le dieu-forgeron local, Gofannon.

Selon le Glossaire de Cormac, c'est Brigit qui incarne le mieux la triplicité de la déesse. Elle serait poétesse et aurait deux sœurs aussi appelées Brigit, l'une serait médecin et l'autre forgeron. La poésie et la médecine sont deux aspects plutôt de la classe sacerdotale : bardes et vates (ou druides). Le côté forgeron est plutôt de la classe productrice (artisans). Pourtant Brigit est représentée comme une combattante (casque, lance, bouclier), ce qui la rapproche aussi de la classe guerrière.

Une autre déesse irlandaise est triple, c'est (la) Morrigan, dont le nom signifie « la Grande Reine » ou « Née de la mer ». Cette déesse de la guerre aurait trois avatars dont les noms peuvent varier selon les versions mais généralement il s'agit de Macha, Badb et Anand, filles d'Ernmas la Fermière (Livre des Conquêtes de l'Irlande, §62).

Brigit était sans doute fêtée lors de la fête celtique appelée Imbolc en Irlande, vers le 1er février. Cette date est d'ailleurs aujourd'hui la fête de Sainte Brigitte de Kildare, patronne de l'île. Certains auteurs associent parfois Lug à l'été et Cernunnos à l'hiver, une démarche identique se fait avec Brigit et la Cailleach (la « sorcière » en gaélique, incarnation de la rigueur hivernale).

Même si Brigit est associée à la médecine selon le Glossaire de Cormac, c'est Sirona que l'on retrouve le plus dans les anciens lieux de guérison antiques continentaux et qui est la plus représentée dans le monde celte. Minerve est associée à Bélisama en Gaule et à Sulis en Grande-Bretagne, mais d'autres déesses sont aussi présentes où il y a des sources chaudes à l'instar de Sulis, comme Damona, Bormana ou Divona. Brigit pourrait être le nom général de cette déesse, après elle se divise en trois : une déesse de la jeunesse et des sources chaudes/froides ayant de nombreux noms, une déesse plutôt associée à Lug et une autre à Cernunnos.

 

SIRONA

D'autres déesses sont associées aux sources et/ou à Bélénos en Gaule particulièrement. Elles pourraient être la même divinité guérisseuse, Bélisama, sous un autre nom.

Nous avons déjà Sirona (Thirona). Son nom signifierait « la grande Etoile » ou « le grand Astre », ce qui serait assez proche de Bélisama : « la très Brillante ». Cette « grande Etoile » pourrait faire référence à la Lune, ce qui la rapprocherait de la déesse gréco-romaine Diane-Artémis (avec laquelle elle est mentionnée sur la dédicace d'Augsburg en Allemagne), ou au Soleil, ce qui la rapprocherait de Sulis dont le nom pourrait aussi être inspiré de l'astre du jour.

Sirona se trouve à côté d'Apollon sur une statuette au Musée Archéologique de Dijon (21). Elle est aussi liée aux fontaines et aux guérisons, représenté par le serpent qui accompagne souvent les divinités thaumaturges. Elle est généralement mentionnée en compagnie de Grannos et aussi parfois avec le dieu romain Apollon.

Elle est souvent représentée avec des serpents, animal dont le venin peut à la fois tuer et guérir, tout comme Mercure-Hermès et son caducée. Cependant le symbole de guérison du serpent est plutôt associé au bâton d'Esculape (Asclépios) ou à la coupe de sa fille Hygie, tous deux étant des divinités grecques.

 

BELISAMA

Bélisama est un nom à rapprocher de Bélénos, il signifie « la Très Brillante ». Elle est identifiée à Minerve sur la gravure de Saint-Lizier (09), ville autrefois appelée Lugdunum Consoranorum.

 

SULIS

Sulis, dont le nom pourrait être traduit par « Celle qui voit bien », était vénérée aux sources thermales de Bath (Angleterre). Il est fréquent que des sources soient associées à la guérison de la vue à l'époque celte. Son nom pourrait aussi faire référence au Soleil.

Elle aussi est associée à Minerve.

 

DAMONA

On a retrouvé son nom gravé à Bourbon-Lancy (71) et à Bourbonne-les-Bains (52). C'est l'équivalent féminin de Borvos. Son nom signifierait la « grande Vache », même si dam~ désigne plutôt l'ensemble des bêtes à cornes (vache, cerf…) en gaulois, bo désignant plus particulièrement la vache.

Elle est peut-être à rapprocher à la déesse irlandaise Boann (Boand) qui signifie « la Vache blanche ». Boann, mère d'Oengus-Mac Og, est l'incarnation du fleuve la Boyne, cours d'eau sacré à l'est de l'Irlande (Dindshechas de Rennes §19 et Dindshenchas Bodleian §36).

 

BORMANA

C'est sans doute un autre nom de Damona car elle est associée à Bormano à Aix-en-Diois (26).

 

DIVONA

La « Divine ». On la trouvait à la fois dans des lieux de sources chaudes et de sources froides.

Elle avait une place considérable dans les rites gaulois liés aux sources : elle est associée à la ville thermale de Divonne-les-Bains (01) et la commune de Dions (30) avec son gouffre portent un dérivé de son nom. Autrefois Cahors (46) portait aussi son nom (Divona Cadurcorum). Sa présence était aussi très forte en Bourgogne où plusieurs sources étaient sacrées pour les Gaulois.

Sirona et certaines des autres déesses vues ci-dessus (Sulis, Damona, Bormana, Divona…) sont les parèdres d'Apollon, donc de Bélénos. Lug et Cernunnos ont eux-aussi des déesses associées : Rosmerta et une déesse inconnue parfois nommée Cernunna.

 

ROSMERTA

« La grande Pourvoyeuse ». Elle possède souvent une corne d'abondance. Elle ne semble pas avoir de pouvoirs de guérison et est quasiment toujours en compagnie de Mercure (Lug).

 

CERNUNNA

Plusieurs statues font penser que Cernunnos avait lui-aussi une parèdre, dont on ne connait pas le nom mais on l'appelle parfois Cernunna, « la Cornue ». L'une est exposée à Epinal (88) mais n'a pas de tête donc on ne peut pas savoir si elle a des bois de cerfs, l'autre est à Londres (Angleterre) et possède des bois.

 

 

La déesse à l'ours et déesse-reine :

Elle est probablement un aspect de la Grande Déesse Brigit.

 

ARTIONIS

Ou Artio.

Son nom se rapproche de l'ours, peut-être une divinité animale (comme Epona), ou royale car l'ours est une représentation de la royauté dans l'Europe ancienne (cf. le roi Arthur dont le nom commence pareil). Elle est peut-être aussi associée à la chasse comme la déesse grecque Artémis, dont le nom commence pareil.

 

ANDARTA

Ce nom signifie probablement « la Grande Ourse ». Peut-être est-ce la même déesse qu'Andrasta citée dans le texte de Dion Cassius sur Boadicée ?? Déesse des Reines ???

Baodicée est devenue la Reine des Icènes (habitants d'une tribu à l'est de la Grande-Bretagne) à la mort de son mari et aurait pu prendre comme emblème l'ourse royale.

 

 

La déesse au cheval :

Elle aussi pourrait être un avatar de la Grande Déesse Brigit.

 

EPONA

Epona est très représentée en Gaule, souvent de la même façon : en amazone sur son cheval. Elle apparait aussi dans de nombreux textes latins. Il semblerait que ce soit l'une des seules divinités gauloises qui fut intégrée au Panthéon romain.

Dans la mythologie galloise (première et troisième branche du Mabinogi : Pwyll, prince de Dywed et Manawydan, fils de Llyr) on retrouve une déesse équestre sous le nom de Rhiannon, épouse de Pwyll et mère de Pryderi.

Tandis qu'en Irlande c'est la déesse Macha, fille de la déesse Ernmas, qui est associée aux chevaux. Dans la Neuvaine des Ulates  (Noinden Ulad) elle fait une course contre les chevaux du roi avant de mettre au monde deux jumeaux, Fir et Fial (Fial étant une fille).

Le Gris de Macha (Liath Macha) est le nom d'un des deux chevaux qui tirent le char du héros irlandais Cúchulainn.

De part certains aspects, comme la corne d'abondance présente parfois sur ses représentations ou le nom Rhiannon étymologiquement proche de Brigantia, Epona pourrait aussi être un aspect de cette déesse triple. De plus Macha est le nom d'un des trois avatars/sœurs de la déesse triple Morrigan.

 

 

Le dieu-druide et dieu de la foudre :

Il est généralement représenté avec un foudre, un marteau ou une roue, ces trois objets étant en rapport avec le tonnerre/l'éclair.

 

TARANIS

D'après César le Jupiter gaulois « est le maître des dieux ». Taranis est souvent associé à Jupiter dans l'épigraphie.

Le nom Taranis vient de taran qui signifie « tonnerre » dans les langues celtique.

Le tonnerre est aussi un attribut de Jupiter-Zeus, tous tiennent en main un foudre qui le symbolise. L'autre objet caractéristique de Taranis est la roue, peut-être en rapport avec le bruit que ferait une roue dans le ciel quand ça tonne. La roue est parfois aussi interprétée comme une figuration du cosmos, de l'ellipse formée par la Terre tournant autour du Soleil.

Etymologiquement, son nom est assez proche de celui de Tuireann, dieu irlandais dont les trois enfants (Brian, Iuchar et Iucharba) tuèrent le père de Lugh, Cian (La Mort des Enfants de Tuireann).

Taranis se rapproche particulièrement du dieu hindou Indra qui a battu grâce à sa foudre le serpent-dragon Vritra, incarnation de la sécheresse.

 

SUCELLOS

C'est l'un des dieux gaulois les plus représentés (217 statuettes ou autels) et donc certainement l'un des plus importants. Son nom signifie « Celui qui frappe fort », il possède toujours un marteau. C'est avec ce puissant outil qu'il provoquerait le bruit du tonnerre.

Sucellos est assimilé au dieu romain Silvanus par exemple à Worms (Allemagne) et à Augst (Suisse). Il est aussi rapproché du dieu Bacchus-Dionysos, dieu de l'ivresse chez les gréco-romains, car on le voit parfois en présence de tonneaux de vin.

Or sur l'autel de Nîmes, Jupiter et Silvanus (« IOVI ET SILVANO ») sont mentionné côte à côte. Une roue, des marteaux et une olla (récipient rond caractéristique de Sucellos) y sont aussi représentés, ce qui prouve que les deux dieux étaient peut-être équivalents.


crédits : ralphhaussler.weebly.com

On peut le rapprocher du deuxième dieu principal de la mythologie irlandaise : le Dagda. Il a un bâton/massue qui tue par un côté et ressuscite de l'autre. Le marteau/maillet de Sucellos pourrait en être l'équivalent. Par ailleurs il est aussi appelé Eochaid Ollathair (« le cavalier père de tous »), Jupiter-Taranis est souvent représenté à cheval, écrasant l'anguipède.

Dans les textes gallois, c'est Gwydyon (Gwydion), fils de Don, qui se rapproche le plus du dieu-druide (Math, fils de Mathonwy).

Jupiter-Taranis-Sucellos partagent des spécificités avec le dieu germano-nordique Thor : ils ont tous les deux un marteau, ils sont maîtres de la foudre, ils sont associés au jeudi dans plusieurs langues…

 

Le dieu Sucellos-Taranis pourrait aussi être le père de Lugos-Cernunnos. Dans la mythologie galloise, Gwydyon, le dieu-druide, est le père adoptif de Lleu. En Irlande, Mac Og (Aengus) est le fils illégitime du Dagda et de la déesse Boann. Lug quant à lui est le fils de la déesse Eithne (une déesse-mère, peut-être équivalente à Ana) et fils adoptif de Tailtiu (une autre déesse primordiale, incarnation de l'Irlande).

 

La déesse parèdre du dieu-druide :

Si on suit le raisonnement du paragraphe précédent, Nantosuelta pourrait être l'équivalent d'Ana.

 

NANTOSUELTA

C'est « Celle qui brille dans la Bataille » ou « la Richesse de la Vallée ».

Dans des représentations que l'on connait d'elle, son bâton est surmonté d'une petite maison que Henri Hubert interprète comme étant une ruche. Elle pourrait être une déesse associée au miel et donc à l'hydromel, boisson sacrée depuis la nuit des temps car première boisson alcoolisée au Monde.

 


Le dieu-roi et dieu-guerrier :

D'après César le Mars gaulois « préside aux guerres ».

 

TOUTATIS

Mars est assimilé à Toutatis (Teutatès) sur la dédicace de Barkway (à une cinquantaine de kilomètres au nord de Londres) et exposée au British Museum à Londres (Angleterre).

Le nom Toutatis se rapproche de Tuatha, « la tribu » en vieil irlandais. Ce serait le dieu protecteur de la tribu, notamment en cas de guerre. Il est mentionné avec Taranis et Esus dans la Pharsale de Lucain.

 

NODONS

A l'ouest de la Grande-Bretagne, Mars est assimilé à Nodons.

Ce nom est à rapprocher de dieu irlandais Nuada, frère du Dagda selon les versions. Ce dieu perd un bras lors de la seconde bataille de la Plaine des Piliers, il sera remplacé plus tard par un membre en argent implanté par Diancecht, grand-père de Lug, d'où son surnom Airgetlam (« au bras d'argent »).

Ci-dessous, des représentations probables de Nuada-Nodons, la statue est exposée dans la cathédrale anglicane Saint-Patrick d'Armagh (Irlande du Nord, UK) et la pièce de monnaie vient d'Europe Centrale (Danube).


crédits : guidedtoursireland.com

Il a le même surnom dans la mythologie galloise et un nom assez proche : Nudd (ou Lludd) Llaw Eraint (« au bras d'argent »), fils de Beli Mawr (cf. notamment Llud et Llevelys).

Là encore on peut faire des rapprochements avec un dieu germano-nordique : Tyr. Celui-ci est aussi dieu de la guerre, il a eu le bras coupé comme Nuada, il est associé au mardi en anglais tout comme Mars l'est pour le mardi en français…

 


Le dieu-forgeron :

GOBANNOS

Peu connu en Gaule, on a retrouvé une statuette où il est appelé COBANNO ou GOBANNO. Ce nom se rapproche néanmoins de Gofannon (Govannon), dieu forgeron gallois, fils de Don et frère de Gwydyon. Ce nom est aussi assez proche de Goibniu, dieu irlandais qui va forger des armes pour Lugh lors de la seconde bataille de la Plaine des Piliers.

On trouve des similitudes dans les histoires de Goibniu et de Gofannon, le premier tue avec une lance le fils de Brigit (et de son époux Fomoire Bres), Ruadán (Seconde Bataille de la Plaine des Piliers). Gofannon quant à lui tue le fils d'Arianrhod et frère jumeau de Lleu, Dylan Eil Ton (« fils de la Vague ») (Math, fils de Mathonwy). A noter qu'il y a aussi avec Goibniu lors de la seconde bataille de la Plaine des Piliers un dieu-chaudronnier (Credne) et un dieu-menuisier (Luchta).

Son interprétation romaine pourrait être Vulcain, dieu des volcans, du feu et de la forge.

On le rapproche aussi parfois de Sucellos, le dieu au maillet, car cet outil est utile pour la forge.

Notons au passage que le nom breton Le Goff, proche de Gofannon, signifie « le forgeron ».

 


Le dieu de l'éloquence et dieu-lieur :

OGMIOS

Peu de dédicaces sont consacrées à Ogmios, dont parle pourtant Lucien de Samosate (IIème siècle). Il le décrit comme un dieu âgé et fort auquel des hommes sont enchaînés, et comme l'équivalent d'Hercule-Héraclès.

Il est plus certainement l'égal de l'Ogma (Oghma) irlandais, inventeur de l'alphabet mystique les oghams. Lugh dit que c'est son « champion » (son super guerrier) pour la seconde bataille de la Plaine des Piliers.

 

 

La déesse-mère :

ANA

La déesse Ana (Dana, Danann, Danu, Anu…) est un cas très particulier car d'après les mythologies insulaires elle est censée être la déesse primordiale, mère de tous les dieux. En Irlande, ces derniers sont d'ailleurs qualifiées de Tuatha dé Danann  : « Ceux de la Tribu de Dana ». Au Pays de Galles, les divinités principales (Arianrhod, Gwydyon, Govannon, Gilvaethwy, Amaethon, Heveidd...) sont les enfants de Don, on parle là-bas de Plant Don  : « l'Héritage de Don ». Et pourtant cette déesse n'intervient jamais personnellement dans ces deux mythologies. En Europe de l'Ouest, on n'a pas retrouvé de dédicace à son nom, ni de représentations. L'une des seules sources écrites la concernant se trouve dans le Glossaire de Cormac , où elle est attestée comme étant la mère de trois divinités irlandaises : Brian, Iuchar et Iucharbu. Ces trois dieux sont aussi mentionnés dans La Mort des Enfants de Tuireann comme étant les fils du dieu Tuireann et les meurtriers de Cian, le père Lugh.

Peut-être qu'Ana est un autre nom de la déesse principale (Brigantia-Brigit), peut-être représente-t-elle la version plus âgée de cette grande déesse et est celle qu'on pourrait qualifier de « déesse-mère ». Ana peut aussi être la mère voire la grand-mère de toutes les divinités celtes, peut-être un reliquat de l'époque préhistorique où l'on vénérait la déesse-mère avant qu'advienne une société plus patriarcale.

Je pense qu'elle peut être rapprochée de certaines déesses irlandaises associées à la terre-mère : Tailtiu (mère adoptive de Lug), Eithne (Ethliu, mère de Lug), Eriu (Eire, personnification de l'Irlande)... Elles sont plus impalpables, à la fois partout et nulle part.

Le plus troublant c'est que des déesses ou des grandes dames portant ce nom, ou un nom très proche, existent dans beaucoup de religions. D'après la tradition chrétienne, la mère de Marie, et donc grand-mère de Jésus, s'appelle sainte Anne ; elle est aussi surnommée la Grand-Mère des Bretons et d'après des légendes locales elle serait née en Bretagne, aurait immigrée en Galilée puis serait revenue en Gaule. Hannah est dans l'ancien Testament la mère du juge Samuel (Premier Livre de Samuel). Danaé dans la mythologie grecque, est la mère de Persée. Anna Perenna dans la mythologie romaine, est une vieille dame ; il y a aussi la déesse Diana chez les Romains. Enfin, Danu est une déesse de l'hindouisme associée à l'eau.

Plusieurs noms de fleuves d'Europe pourraient avoir un nom issu de Dana : Danube, Don, Dniepr, Dniestr… La déesse irlandaise Boann, incarnation du fleuve sacré la Boyne, a aussi un nom proche d'Anna. Enfin, Dana est aussi associée à des collines ou des montagnes, comme par exemple les Seins d'Ana (Dá Chích Anann, photo ci-dessous) à Killarney (Irlande).


crédits : Gerard Lovett, wikipedia.en

 

Les déesses associées à une rivière :

Dans la mythologie irlandaise, la Boyne (fleuve sacré de l'est de l'Irlande qui passe près du célèbre tumulus de Newgrange) est déifiée en la déesse Boann (Boand).

Je pense qu'Ana représente la Terre-mère dans sa globalité tandis que les déessses « topiques » (établies sur un seul lieu, cf. ci-dessous) en sont des subdivisons. Les déesses des rivières sont différentes des déesses des sources que l'on a vues plus haut (Sirona, Sulis, Divona...), elles ne sont pas apparentées à un point fixe (source), elles représentent le cours d'eau, qui traverse les territoires.

 

ACIONNA

Déesse de l'Essonne et de l'Aisne (trois rivières en France ou en Belgique portent ce nom).

 

ICAUNIS

Déesse de l'Yonne, rivière qui rejoint la Seine près de Fontainebleau (77). Elle était censée guérir.

 

MATRONA

Déesse de la Marne, rivière qui rejoint la Seine près de Paris (75), mais aussi d'autres rivières au nom assez proche comme la Meyronne, dans le Var. Généralement les Matrones (Matres) vont par trois, parfois par deux. Ces déesses étaient surtout vénérées dans l'est de la France et en Allemagne. Sur les représentations où elle donne le sein, Matrona peut faire penser à la déesse égyptienne Isis.

 

SEQUANA

Déesse de la Seine, fleuve qui se jette dans la Manche au Havre (76).

 

SOUCONNA

Déesse de la Saône, rivière qui rejoint le Rhône à Lyon (69).

 

 

Les divinités associées à un massif forestier :

A l'instar des déesses associées à une rivière, ces divinités sont dites « topiques ». Un massif forestier est un massif montagneux recouvert de forêt.

 

ABNOBA

Déesse du massif forestier de la Forêt-Noire (Allemagne), elle est généralement associée à Diane, la déesse romaine de la chasse.

 

ARDUINNA

Déesse du massif forestier des Ardennes. Il existe une ancienne forêt dans le centre de la Grande-Bretagne (comté de Warwickshire) qui porte le même nom : forest of Arden.

 

VOSEGOS

Dieu du massif forestier des Vosges. Il s'agit peut-être d'une version régionale du dieu Lugos-Cernunnos car :
•  il est associé à Mercure sur le Mont Donon en Alsace, Mercure étant régulièrement assimilé à Lug
•  il est parfois représenté avec un cerf, animal fétiche de Cernunnos
•  c'est un homme alors que les divinités topiques sont généralement des femmes.