LES OBJETS REMARQUABLES
Le calendrier de Coligny :
Découvert en morceaux en 1897 dans la commune de Coligny (01) près de Bourg-en-Bresse, il est aujourd'hui exposé au Musée Lugdunum à Lyon (69). Il est en bronze et date peut-être du II ème siècle. Il comporte 149 pièces soit approximativement 50 % de la surface initiale. Sa taille est d'environ 1,5 m sur 1 m. Enfin, il est écrit en langue gauloise mais avec l'alphabet latin.
crédits : Andrew Dalby, wikipedia.fr
C'est un calendrier « luni-solaire » c'est-à-dire qu'il se base sur les cycles de la Lune et du Soleil, comme par exemple le calendrier chinois actuel. Un mois, mid, dure 29 ou 30 jours ce qui est raccord avec la réalité astrale car une lunaison dure environ 29,5 jours. Les mois de 30 jours sont qualifiés de mat(u) (« complet » ou « faste ») et ceux de 29 anmat(u) (« incomplet » ou « néfaste »). Ils sont divisés en deux parties : la première dure 15 jours et la deuxième 15 ou 14 jours, avec le mot atenoux entre les deux. Les mois de 29 jours sont suivis du mot divertom(u) . Il est cependant probable que certains mois avaient une durée varaible, parfois 29 et parfois 30 jours, car le neuvième mois par exemple, Equos, comporte 30 jours alors qu'il est qualifié d'anmat .
Une année se compose de 12 mois lunaires mais tous les 2,5 ans on ajoute un mois intercalaire de 30 jours afin de recoller avec le cycle du Soleil. En effet, 12 mois x 29,5 jours = 354 jours, il manque donc 11 jours pour arriver à 365 jours. Le calendrier de Coligny présente 5 années solaires (= 1 lustre) soit 62 mois (12 mois x 5 ans + 2 mois intercalaires), il dure donc approximativement 1.829 jours (62 mois x 29,5 jours), assez proches des 1.826 jours obtenus en faisant 365 jours x 5 ans + 1 journée de l'année bissextile. Les siècles quant à eux devaient durer 30 ans, soit 6 lustres. On peut rapprocher cette durée au texte de Plutarque (Le visage qui apparaît dans le disque de la Lune, cf. annexe ???????) qui vers l'an 100 affirmait qu'une révoluion de la planète Saturne durait 30 ans.
Compte tenu des pièces manquantes et des traductions incertaines de plusieurs mots gaulois, il est impossible à l'heure actuelle de tirer des conclusions quant à la manière exacte dont les Celtes mesurait le temps. Par ailleurs, il est possible qu'il y avait des calendriers différents selon les régions celtiques ou encore que ceux-ci aient évolué au fil des siècles.
crédits : icalendrier.fr
Le calendrier de Coligny se compose de 16 colonnes, chacune comporte 4 mois sauf la première et neuvième qui n'en comportent que 3 car les mois intercalaires prennent deux fois plus de place. Les 2 mois intercalaires sont en bleu foncé dans le schéma ci-dessus. Les mois se nomment ainsi : Samonios (30 jours), Dumannios (29 jours), Rivros (30 jours), Anagantios (29 jours), Ogronios (30 jours), Cutios (30 jours), Giamonios (29 jours), Simivisonnios (30 jours), Equos (30 jours), Elembivios (29 jours), Aedrinios (30 jours) et Cantlos (29 jours) ; on n'est pas sûr des noms des mois intercalaires car des parties les concernant sont manquantes. On ne sait pas non plus précisément quel est leur équivalent dans le calendrier grégorien. Samonios signifierait « fin de l'été » et était sans doute le mois de la fête de Samain, il était donc a priori vers le mois de novembre.
Compte tenu des fragments manquants, seules quatre dates reviennent systématiquement : au 17ème jour du mois de Samonios figure les inscriptions trino sam sindiu, trinux samo, [t]rini sam sindi ou [t]rino samon ce qui pourrait correspondre aux trois nuits de Samain (sindi(u) = aujourd'hui). Au 4ème jour du mois d'Anagantios se trouve toujours la mention ociom(u) rivri et au 9ème jour de Giamonios il est marqué simi sind ivos. Au 15ème jour du mois de Cantlos il y a écrit tiocobrex ou tiocobrixtio mais ce terme revient aussi à d'autres moments de l'année.
Concernant le début des mois par rapport à la phase de la Lune il n'y a pas de consensus, le plus logique serait que les Celtes les fassent commencer à la pleine Lune ou à la nouvelle Lune, cependant d'après Pline l'Ancien (Ier siècle) les mois des Gaulois commençaient au sixième jour de la Lune, c'est-à-dire au premier quartier (XXXXX). Néanmoins, les Celtes faisaient commencer leurs années et leurs jours plutôt au milieu du cycle déclinant (Samain se trouve à mi-chemin entre le pic de chaud, Lugnasad, et le pic de froid, Imbolc - les jours commencent à la tombée de la nuit d'après César donc à mi-chemin entre midi et minuit) ; si on suit ce raisonnement, il serait donc plus probable que les mois débutent au dernier quartier de Lune ( XXXX ), à mi-chemin entre la pleine Lune et la nouvelle Lune.
Le chaudron de Gundestrup :
C'est une des plus belles et des plus importantes pièces de la culture celte encore existant. Il a été découvert en 1891 dans une tourbière au Danemark et est aujourd'hui exposé au Musée National, à Copenhague. Il aurait été fabriqué au Ier siècle avant JC et est composé de cinq plaques à l'intérieur et sept à l'extérieur, apparemment amovibles. Au fond, il semble qu'un taureau (ou un bélier) soit représenté.
Sur chacune des sept plaques externes (il y en avait huit à l'origine, une n'a jamais été retrouvée ???), une divinité ou du moins un personnage celte important est représenté. Tous possèdent un torque, symbole de pouvoir, autour du cou, sauf deux car il est peut-être caché par leur barbe. Les quatre dieux ont les bras levés. Les trois déesses ont les cheveux longs et de petits seins.
Selon Michel-Gérald Boutet, les sept plaques externes seraient les sept astres visibles dans le ciel à l'il nu : Mercure, Saturne, Mars, Jupiter, la Lune, Vénus et le Soleil.
Les plaques internes semblent un peu plus faciles à interpréter : sur la première on peut voir Cernunnos, en tailleur avec ses bois de cerf, tenant dans ses mains un serpent et un torque (collier). Sur la deuxième c'est probablement Taranis, dieu de la foudre, souvent représenté avec une roue. La troisième montre une scène avec trois taureaux. Sur la quatrième il y a une déesse entourée apparemment par des éléphants. Sur la dernière on peut voir des carnyx (instrument à vent utilisé pendant les batailles) et un personnage (Toutatis ?) qui en précipite un autre dans un chaudron.
Selon Régis Blanchet et l'équipe des Editions du Prieuré, les cinq plaques internes rectangulaires correspondraient à Esus-Cernunnos / Taranis / l'invention des taureaux par les Dioscures (divinités jumelles, ce terme est généralement attribué à Castor et Pollux, fils de la reine de Sparte Léda) / Rigani (déesse(s) gauloise(s), ce nom signifie la « reine ») / une revue de troupes gauloises.
Les sept plaques externes carrées seraient Teutatès qui juge des guerriers morts / Dispater (ou Dis Pater, c'est le « père divin », père de tous les Gaulois d'après César, probablement Cernunnos ou Sucellos) / Apollon médiateur / Vosegos (dieu de la forêt, vénéré dans les Vosges auxquelles il a donné son nom) / Rigani-Esus-Taranis / des déesses transformées en grues / Smertulus (ou Smertrios, dieu celte de la guerre) tuant le monstre.
Enfin la plaque de fond correspondrait à Smertulus pourchassant des chiens envoyés par Taranis.
Le pilier des Nautes :
Découvert en 1711 sous la cathédrale Notre-Dame de Paris et aujourd'hui exposé au Musée de Cluny dans le V ème arrondissement, c'est l'un des monuments religieux les plus importants de l'époque gallo-romaine qui nous soit parvenu, car les noms des dieux sont parfois inscrits près de leur représentation : « ESVS », « TARVOS TRIGARANVS », « SMER[TRIOS] » et surtout « [C]ERNVNNOS », qui est extrêment rare. Il a été réalisé sous le règne de Tibère (entre 14 et 37), les Nautes étant une confrérie de commerçants voyageant sur la Seine. La présence de divinités gauloises aux côtés de divinités romaines marque la fusion en cours entre les deux religions. Comme il est en plusieurs morceaux et que de nombreuses parties ont été abîmées, une reconstitution a été réalisée, elle aussi exposée dans les thermes de Cluny. Rien ne certifie que les blocs aient été disposés dans cet ordre là cependant, nous allons néanmoins nous y référer pour détailler.
crédits : Marsyas, wikipedia.fr (reconstitution)
Sur le bloc du haut il y a Jupiter, Esus, le mystérieux Taureau aux Trois Grues et Vulcain (fils de Jupiter, dieu de la forge et des volcans) :
crédits : panoramadelart.com
Sur celui en-dessous on trouve Castor et Pollux (deux fils de Léda, reine de Sparte, Pollux étant aussi le fils de Zeus-Jupiter), Cernunnos et Smertrios :
crédits : panoramadelart.com
Sur le troisième il y a la dédicace en latin (« Sous Tibère César Auguste, à Jupiter très bon, très grand, les Nautes du territoire des Parisii, aux frais de leur caisse commune ont érigé [ce monument] ») et trois groupes de trois personnages mal identifiés : guerriers légendaires, dieux ou Nautes ?
crédits : panoramadelart.com
Enfin sur le bloc du bas on trouve très probablement Mars, Vénus, Fortuna (déesse romaine de la chance) et Mercure, avec à chaque fois une déesse à côté d'eux, peut-être Sequana (déesse de la Seine).
crédits : panoramadelart.com
Jean-Paul Savignac a son interprétation du pillier des Nautes : il s'agirait plus ou moins d'une mise en parallèle du mythe de Zeus-Jupiter/Léda et de son équivalent gaulois avec Taranis. Dans l'histoire greco-romaine, Zeus se transforme en cygne pour séduire Léda, femme de Tyndare, le roi de Sparte. De cette union naîtront Castor et Pollux (il existe diférentes versions mais on admet généralement que Zeus est le père de Pollux et Tyndare celui de Castor). On les appelle les Dioscures, les « jumeaux divins » et sont associés à la constellation des Gémeaux.
Dans la version gauloise, Taranis (dieu de la foudre comme Jupiter) veut séduire la femme d'Esus. Il se transforme en taureau (le Tarvos Trigaranus) et les amants se cachent dans un bosquet. Esus arrive pour couper l'arbre mais sa femme lui échappe en se transformant en grue. Elle donnera plus tard naissance à deux jumeaux : Cernunnos et Smertrios censés représenter chacun une rive de la Seine à Lutèce, le premier la rive droite, marécageuse, le second la rive gauche, fréquemment victime de crues symbolisées par le serpent.
Daniel Gricourt et Dominique Hollard voient plutôt Lug et Cernunnos comme deux jumeaux divins, les « Dioscures celtiques ».
Certains auteurs tentent aussi de rapprocher les scènes figurées sur ce pilier avec la mythologie irlandaise. C'est sans doute dans La Razzia des Vaches de Cooley, l'un des principaux et des plus longs textes celtes insulaires, que l'on trouve le plus de correspondances. A trois moments distincts, Cúchulainn, fils de Lug, coupe le tronc et les branches d'un chêne, cf. annexe XXXXXXX. Il y a ensuite le taureau, le Brun de Cooley, élément essentiel de l'histoire pour lequel quatre des cinq régions irlandaises décident de s'unir. Enfin, il y a Morrigan (que l'on peut traduire notamment par la « grande Reine » ou « née de la mer ») qui peut se changer en oiseau et qui a trois surs ou avatars : Bodb, Macha et Nemain (ou Anand selon les versions). Morrigan est la déesse de la guerre, l'animal qui la représente est le corbeau, car c'est un charognard qui vient après les batailles emmener l'âme des guerriers.
Cependant des divergences existent, déjà dans La Razzia des Vaches de Cooley il ne s'agit pas d'Esus mais de Cúchulainn, même si Esus est parfois considéré comme un autre nom de Lug. Ensuite, les feuilles de l'arbre coupé par Esus sur le pilier des Nautes ne ressemblent pas spécialement à celles d'un chêne. Enfin, Morrigan n'est généralement pas représentée par une grue mais plus souvent par un corbeau ou une corneille.
Le pilier de Mavilly :
Découvert à Mavilly-Mandelot (21), ses pierres servaient en réemploi pour l'église Saint-Martin. Il est exposé au Musée Archéologique de Dijon (21) mais un moulage se trouve aussi au Musée d'Archéologie Nationale de Saint-Germain-en-Laye (78). Il a été sculpté pendant le règne de l'empereur romain Claude (10-54), notons au passage que ce dernier est né à Lyon (69). Il se compose deux blocs superposés présentant chacun quatre faces. Contrairement au pilier des Nautes de Paris (75), les noms des divinités ne sont pas inscrits, ce qui complique l'interprétation. L'identification des personnages est d'autant plus difficile qu'il peut s'agir de versions locales des dieux celtes (lingons en l'occurrence) déjà en partie romanisés.
Face 1, en bas, on retrouve le serpent à tête de bélier, déjà présent sur le chaudron de Gundestrup (près de Cernunnos, de Taranis et du probable Toutatis), à côté d'un guerrier avec lance, bouclier et cotte de maille (Mars ou son équivalent gaulois, Nodons ?). En haut, un dieu tient une pince, sans doute une divinité des forges comme Gobannos (le Vulcain gaulois) :
crédits : archeogalloromaine.blog4ever.com
Face 2, en bas, on voit un probable Lug ou Bélénos, avec chien à ses pieds et un oiseau sur son épaule (corbeau, aigle ?), ainsi qu'un second personnage qui se frotte les yeux. En haut, un dieu qui semble porter une peau de bête comme Hercule, donc peut-être Ogmios ou Sermtrios, voire Sucellos qui en est parfois revêtu :
crédits : archeogalloromaine.blog4ever.com
Face 3, en bas, un dieu barbu avec un aigle sur l'épaule portant un poisson ou un serpent. Le pied du personnage du haut semble s'appuyer sur cet animal, faut-il y voir là une version du Taranis-Jupiter à l'anguipède :
crédits : archeogalloromaine.blog4ever.com
Face 4, en bas, une déesse semble tenir des serpents et un foudre (probablement Sirona, qui, sur une statuette du même musée porte des serpents dans sa main), tandis que celle du haut a une corne d'abondance (cornucopia) :
crédits : archeogalloromaine.blog4ever.com
Le gobelet de Lyon :
C'est un gobelet en argent trouvé en 1929 rue Sala à Lyon (69), ancienne capitale des Gaules. Il est aujourd'hui exposé au Musée Lugdunum, dans cette même ville. On y voit deux hommes ou deux dieux ainsi que plusieurs animaux : sanglier, corbeau ?, aigle, serpent, chien et cerf.
L'homme qui se trouve sur le côté le moins abimé du gobelet est peut-être un commerçant car il tient une bourse et est assis comme s'il faisait des comptes. Un oiseau, peut-être un corbeau, lui amène une deuxème bourse : tous ces éléments font penser à Lug-Mercure (ce sont des corbeaux appelés « Lugos » qui ont indiqué où fonder Lugdunum, cf. annexe Textes gréco-romains).
crédits : jfbradu.free.fr, artisansdelugh.fr et chroniquesdebresse.fr
Le deuxième homme quant à lui est à rapporcher de Cernunnos car il tient un torque et une corne d'abondance, deux éléments qui lui sont souvent associés. Il y a par ailleurs un cerf derrière lui, animal qui lui est propre.
crédits : lieuxsacres.canalblog.com
L'aigle qui tourne la tête au premier personnage et regarde le serpent est plutôt le symbole de Taranis, dieu du ciel et de la foudre. Le chien pourrait être mis en rapport avec Sucellos, le dieu au maillet. Le sanglier et le serpent sont associés à différentes divinités, ils sont donc plus difficiles à relier.
Enfin, il semble qu'il y ait dans l'arbre derrière le sanglier une boule de gui, plante sacrée des druides.
L'autel de Reims :
Il est exposé au Musée Saint-Rémi à Reims (51) est aussi un exemple du syncrétisme entre religion gauloise et romaine. Il daterait du Ier ou IIème siècle, il a été découvert en 1837 rue Vauthier le Noir à Reims.
Au centre il y a Cernunnos, en tailleur, barbu, cornu, avec un torque et une corne d'abondance se vidant de ses pièces ou de ses graines, au-dessus de lui un rat et en-dessous un taureau et un cerf, animal qui lui est traditionnellement associé. A gauche il y a Apollon (dieu gréco-romain de la beauté masculine, des arts et de la guérison) avec une lyre et à droite Mercure (dieu romain du commerce et des voyageurs) avec son caducée, son pétase et une bourse.
crédits : Trompette, wikipedia.fr