LA JAMAÏQUE

 

Isaïe, chapitre 11 verset 11 :
« Ce jour-là, le Seigneur étendra la main une seconde fois,
pour racheter le reste de son peuple,
ce qui restera à Assur et en Égypte, à Patros, à Kush, et en Élam,
à Shinéar, à Hamat et dans les îles de la mer.

Isaïe, chapitre 42 versets 4 à 12 :
« il ne faiblira ni ne cèdera
jusqu'à ce qu'il établisse le droit sur la terre,
et les îles attendent son enseignement. […]
Chantez à Yahvé un chant nouveau,
que chantent sa louange, des extrémités de la terre,
ceux qui vont sur la mer, et tout ce qui la peuple
les îles et ceux qui les habitent. […]
Qu'on rende gloire à Yahvé,
qu'on proclame sa louange dans les îles. »


Les premiers rastas ont compris grâce aux paroles des prophètes, et principalement celles d'Isaïe, que la gloire de Dieu devait être célébrée bien au-delà des frontières d'Israël, jusque sur les îles les plus lointaines dont la Jamaïque fait partie.

L'histoire de cette dernière sort un peu du commun. Découverte le 4 mai 1494 par Christophe Colomb (1451-1506), le peuple qui l'habitait originellement, les Indiens Arawak, l'appelait Xaymaca (« Terre des bois et des eaux »). Les Espagnols lui donnèrent le nom de Santiago et y installèrent un gouverneur. Ils mirent en esclavage la population indigène, considérée comme païenne, qui sera presque totalement décimée au cours de quelques décennies qui suivront. À partir de 1509, les colons firent venir par bateaux des esclaves d'Afrique de l'Ouest dans des conditions déplorables. Au XVIIème siècle, l'île devient un important marché aux esclaves ainsi qu'un carrefour international de la piraterie. L'histoire de la Jamaïque a voulu que Port Royal, la ville de la débauche et de la contrebande en tout genre, soit engloutie par un tremblement de terre le 7 juin 1692, phénomène toujours considéré comme une sanction divine.

En 1655, les troupes anglaises commandées par William Penn envahissent l'île. Profitant du désordre, un groupe de Noirs décident de s'échapper dans les collines de Clarendon (vers May Pen) : on les appela les Cimarrons ou Marrons (nom espagnol donné aux animaux domestiques retournés à l'état sauvage). Dès la fin du XVIIème siècle les révoltes d'esclaves éclatèrent ; aidés par les Marrons et leurs chefs charismatiques comme Quao et Cujoe, ils répandirent la terreur auprès des propriétaires blancs. En 1738, après des combats avec les troupes anglaises, on accorda aux Nègres Marrons des terres en échange de la paix (Nèg' Marrons c'est aussi le nom d'un groupe de Rap/DanceHall français avec Jacky et Ben-J).

Une nouvelle révolte conduite par Sam Sharpe éclata en 1831 qui favorisa l'abolition de l'esclavage. En 1834, le gouvernement de l'île met les Noirs dans une période de transition vers la liberté qui durera quatre ans où ils travailleront pour des salaires de misère. Cette période marquera aussi l'arrêt des déportations forcées d'Africains vers la Jamaïque qui seront remplacés par des travailleurs volontaires venus d'Inde, de Chine ou d'Afrique. Douze ans plus tard, l'île subit une grave crise économique due à l'abandon des débouchés garantis pour les produits agricoles (canne à sucre, cacao…). En 1865, Paul Bogle et son frère Moses encouragent les affranchis à descendre dans la rue pour manifester contre une lettre de la reine Victoria (1819-1901) qui conseille aux planteurs britanniques de maintenir les bas salaires. Lors des manifestations de Morant Bay, deux manifestants furent interpellés et le cortège décida de les libérer en brûlant le tribunal. Paul Bogle et son ami George William Gordon, un ancien parlementaire métis, furent arrêtés et pendus. À la suite de ces évènements, l'île est placée sous l'administration directe de la Couronne britannique, régime qui durera jusqu'en 1884 et qui apportera la première Constitution de l'île et une stabilité relative.

La crise des années 30 et l'arrivée de mouvements revendicatifs dont celui de Marcus Garvey donneront lieu à d'importantes manifestations notamment en 1938 en faveur de l'autonomie de l'île. L'histoire des Jamaïcains est donc parsemée de révoltes ce qui fait d'eux un peuple insoumis et épris de liberté comme le sont les rastas. Toujours sous le joug anglais, la Jamaïque fera partie entre 1958 et 1961 de la Fédération des Indes Occidentales et ne deviendra indépendante qu'en 1962. Aujourd'hui elle garde des relations avec l'Angleterre grâce au Commonwealth dont elle est membre depuis 1931.

 Marcus Garvey lors d'une parade à New York vers 1920                                                      

Au lendemain de l'autonomie, c'est un membre travailliste du Jamaican Labour Party, Alexander Bustamante, qui devient Premier Ministre ; il sera remplacé en 1967 par Hugh Shearer (JLP). Peu à peu, le gouvernement au pouvoir voit la montée du People's Political Party, parti créé en 1928 par Marcus Garvey qui encourage la négritude, une vraie émancipation des Noirs et la fin de l'esclavage mental. Mais aux législatives de 1972 c'est pourtant le People's National Party de Michael Norman Manley qui est élu. Il décide une politique de « socialisme démocratique » favorable au modèle castriste.
Pendant les périodes d'élections, la guerre entre les deux plus grands partis, JLP et PNP, est très féroce. Bien plus qu'un combat de slogans ou d'idées, c'est à l'arme à feu que s'opposent les « gunmen », des jeunes des ghettos recrutés par les groupes politiques pour la défense de leurs intérêts (la chanson de Max Romeo « War ina Babylon » de 1976 fait d'ailleurs référence à ces événements).

Soutenu par les Américains qui craignent que l'île sombre dans le socialisme avec Manley, le JLP reprend le pouvoir en 1980 avec Edward Seaga comme Premier Ministre qui veut une économie libérale et un apport de capitaux étrangers. Avec la baisse du prix du bauxite (minerai qui représente une part considérable des exportations jamaïcaines) et l'ouragan Gilbert de septembre 88, l'île eut beaucoup de mal à se relever.
En 1989, Michael Manley revient à la tête du gouvernement. Il démissionne en 1992 et laisse sa place à Percival Patterson (PNP aussi) qui sera réélu en 1997. Entre 2006 et 2007 c'est une femme qui lui succèdera, Portia Simpson-Miller.
L'alternance JLP-PNP continue encore aujourd'hui avec les Premiers Ministres Bruce Golding (2007-2011, JLP), Andrew Holness (2011-2012, JLP), Portia Simpson-Miller (2012-2016, PNP) et Andrew Holness (2016-?).

 

Le drapeau jamaïcain (depuis 1962) :